Article du 12 Février 2024
Pour Christophe de La Chaise, l’entreprise est un pilier de la société. Directeur du Ceca, Centre de formation et de communication, il a accueilli pendant vingt ans, au sein des universités Hommes-Entreprises sur le site du château Smith Haut Lafitte, une soixantaine de personnalités de tous horizons : des philosophes Michel Serres et Cynthia Fleury à l’ancien entraîneur sportif Claude Onesta , en passant par le conseiller en innovation et en leadership Navi Radjou , la femme rabbin Delphine Horvilleur, la cantatrice Barbara Hendricks, l’astrophysicien Hubert Reeves, l’économiste Philippe Dessertine , le moine Matthieu Ricard , ou encore l’écologiste Pierre Rabhi .
Christophe de La Chaise pointe, dans son ouvrage, les évolutions du milieu de l’entreprise qui, au-delà de la recherche du profit, va nécessairement devoir s’appuyer sur un référentiel de valeurs humaines tout en devenant source d’espérance. Confiance , courage, engagement , altérité, utilité, recherche du bien commun, espérance… Telles sont les notions fondamentales qui font évoluer le monde du travail.
Plus qu’un « mode d’emploi » à suivre afin de devenir les acteurs d’un monde meilleur, Christophe de La Chaise propose un florilège de témoignages. Préfacé par Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor, l’ouvrage se présente comme un ensemble de clés à saisir et dessine, en filigrane, les nouveaux contours de l’entreprise du XXIe siècle.
Mutation du travail
Le milieu du travail a grandement changé depuis la crise de 2008 ; l’économie s’est financiarisée, des « hedge funds », ces fonds d’investissement peu réglementés, sont apparus, introduisant la logique de risque au coeur de la finance et de l’économie.
La complexité et les incertitudes se multiplient. Et depuis quelques années, l’introduction du télétravail et la nouvelle organisation des bureaux offrent plus de flexibilité.
On recherche plus de sens au travail et, en entreprise, cette quête prend de la place, faisant disparaître le modèle des années 1980 qui ne se concentrait que sur le profit. Pour Laurence Vanhée, ancienne « chief happiness officer » de la Sécurité sociale belge, le travail doit être une source d’épanouissement, et la mesure du succès d’une stratégie d’entreprise est le bonheur !
Pour mieux analyser cette crise, la jeune dirigeante Emmanuelle Duez a créé le « Boson Project ». Et s’emploie, depuis, à identifier les digues, les risques et les opportunités de cette crise.
D’un monde à l’autre
Le physicien philosophe Marc Halévy identifie une récurrence des grandes révolutions environ tous les 150 ans, et il semble que nous arrivons à la prochaine. Cette révolution implique cinq ruptures : écologique, organisationnelle, économique, informationnelle et de sens.
Une révolution qui nous met donc face à de nombreux défis. L’un d’eux est numérique. Cédric Villani, spécialiste de l’intelligence artificielle , analyse cette rupture. Il nuance le fantasme de la menace technologique sur le travail, mais met en avant l’influence de l’intelligence artificielle, notamment dans le domaine de la santé, et nous exhorte à faire preuve de prudence vis-à-vis de cette dernière.
Un autre défi sera celui de la frugalité : l’ère de la consommation est remise en cause, et il faudra sûrement prêter plus d’attention à nos habitudes. La navigatrice Maud Fontenoy prône ainsi la réconciliation entre écologie et économie.
Conjuguer confiance et espérance
Il faut donc trouver la posture à adopter, au sein de cette révolution qui ne s’annonce pas très réjouissante. La guerre est de retour, et implique des bouleversements en termes d’énergie et de déplacement des populations. Et les risques écologiques et climatiques deviennent de plus en plus réels.
Toutes ces crises rendent la direction d’une entreprise bien plus difficile qu’il y a vingt ans, et demandent une constante adaptation .
Notre monde est devenu complexe et il est difficile d’y naviguer, le scientifique Joël de Rosnay le compare même à une vague sur laquelle il faut surfer. Les informations se multiplient, les flux sont denses et les sollicitations nombreuses.
Il est alors facile de céder au pessimisme, de remettre en cause la notion de chance . Mais l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt propose un credo de l’optimisme, qu’il considère comme une vertu : accepter l’incertitude qui nous entoure, tout en sachant se distancer du pessimisme de notre monde.
Il faut également faire preuve de courage et de volonté. Comme le dit Philippe Croizon, l’aventurier amputé de quatre membres, le plus important est d’aller au-devant des opportunités pour atteindre ses objectifs. Ingrid Betancourt a ainsi réussi à survivre à une vie de prisonnière pendant sept ans, guidée par sa résilience et son espérance. A son image, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik conseille de ne jamais se résigner face aux difficultés.
« Acteurs d’un monde meilleur », par Christophe de La Chaise (Salvator), 18 euros.
Anne Lambot et Régine Turmeau – Crédits photo (Shutterstock)